Soigner par le toucher
Le toucher parle de nous, de nos histoires et de nos origines.
Il est le premier des cinq sens à apparaître chez le fœtus, alors que nous sommes encore en milieu aquatique.
A la naissance, il est un de ces tous premiers contacts, peau à peau, avec le corps de la mère. Il évoque notre histoire personnelle et collective, mais aussi l’histoire de la vie sur terre, de la cellule aux animaux, mais encore aux plantes, puisque les végétaux ont des réactions tactiles.
Il est essentiel à notre survie et notre développement.
Avec lui, nous nous déplaçons, nous explorons, découvrons et reconnaissons notre environnement, nous engageons des contacts sociaux.
Il est au centre de la sexualité, à la frontière des tabous, de toucher à se toucher…
Il s’exprime dans l’art, l’écriture, la musique, la sculpture, la peinture, les arts martiaux…
L’organe qui se rapporte au toucher est la peau, et les actions qui s’y réfèrent : toucher, palper, tâter, masser, caresser, pincer, frotter, suscitent autant de ressentis.
Il est clair que le toucher ne concerne pas que les mains mais bien toute la surface du corps, voire les muqueuses.
Comme chacun des sens, il est potentiellement source de joie, de bien-être, de plénitude, mais aussi parfois d’inquiétude, de mise en alerte, d’alarme.
Chacun de nous a construit, mémorisé un mode d’emploi tactile, façonné par nos expériences et notre vécu, y associant, consciemment ou pas, des émotions, pour engendrer des comportements et conditionner notre rapport à l’autre.
Ainsi le toucher est multiple, tel un langage.
Et chacun a son langage.
Nous avons tous des souvenirs tactiles précis, de nous en train de toucher, ou étant touchés, et autant de sensations agréables ou désagréables se rappellent à nous.
Nous contactons aussi parfois un malaise obscur, indéfini, à être touchés ou à toucher, malaise conscient ou pas.
À sa seule évocation une inquiétude peut émerger.
Pour certains être touché est une agression et tout leur être se rétracte à cette idée.
C’est alors l’apparition du vaginisme et autres problématiques.
Le toucher nous sollicite donc au plus profond, à travers lui se joue une partie de notre rapport au corps, à nous et à l’autre.
Il nous renvoie à notre histoire et à toutes les mémoires conscientes ou inconscientes qui font ce que nous sommes.
Et si, au bout du compte, nous restons insensibles, apparemment pas concernés par les plaisirs du corps, c’est peut-être que quelque part une censure nous invite à ne pas ressentir.
Parfois, il vaut mieux « ne pas » aller chercher et se protéger.
Chacun fait comme il peut.
La force du toucher peut être de fonctionner comme un catalyseur, un révélateur, qui lève les pans du voile du passé, mais qui aussi, permet de reprogrammer l’histoire traumatique oubliée et de réconcilier.
Ainsi, il peut être bon de laisser germer ces évocations par le contact, touchers singuliers et multiples, comme autant de sons, de gouts ou d’odeurs.
Dans le soin par les mains, entre le touchant et le touché, se jouent ces évocations diverses, car le contact engendre un chemin, une brèche vers un éveil.
Les mains posées appellent les souvenirs conscients ou inconscients.
Ainsi soigner par le corps va bien au-delà de la dimension physique de l’être mais s’adresse à lui dans sa globalité et sa complexité.